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\J     	Des lors, qu'est-ce le cinema experimental?  Un cinema de recherche, un
cinema de recherche, un peu diabolique, un cinema en avance -\F1un cinema
d'eclaireurs \F0(avec toutes les connotations lumineuses qui peuvent aureoler ce beau
mot).  Mais encore?  Je proposerai ici deux criteres, egelement suggeres par le
mot, et verifiables empiriquement dans les contextes les plus varies.  L'un
teint aux conditions de production et de diffusion des films; l'autre a la
place qu'y tiennent les preoccupations formelles.  
	Si experimenter, c'est chercher et tatonner, ou bien frayer des voies
nouvelles, l'experimentateur se voue a un certain\F1 retrait\F0 par rapport aux
circuits constitues, aux institutions, bref au systeme.  Le concept assez 
nauseabond de "rentabilite" n'a pour lui aucun sens.  Qu'il soit aide par un
mecene (comme le viconte de Noailles subventionnant coup sur coup LE MYSTERE DU
CHATEAU DE DES de Man Ray, LE SANG D'UN POETE de Cocteau et L'AGE D'OR de Bunuel),
une fondation (aux Etats-Unis) ou un Conseil des Arts (au Canada), ou qu'il ne
compte que sur ses propres forces (comme dirait le president Mao), il ne filme pas
pour vendre mais pour le plaisir de creer, par pour "le" public, ce mythe, mais
pour quelques amis, si ce n'est pour lui seul.  On devine que cette facon de\F1 voir
les choses\F0 n'est pas sans consequences sur la maniere dont le film sera fait ni
sur les conditions de sa diffusion (ou de sa non-diffusion).  Celles-ci peuvent 
varier, de l'insouci total du "succes" et, dirais-je meme, du refus altier de
tout destin temporel (il est des cineastes qui detruisent leurs films, comme un
ecrivain-Jouve et Jouhandeau- brule un manuscrit, comme un peintre lacere une
toile qui liu deplait), jusqu'a la marginalite organisee.  De celle-ci le cinema
"underground" americain, structure par la Film-Makers' Cooperative, a su tirer
sa force et son originalite.  Jonas Mekas, a qui on doit pour l'essentiel cette
structuration, en parle avec precision ici meme.  En France, la situation n'est pas
la meme (du moins pour l'instant) et l'emploi exclusif de ce premier critere
conduirait a neglier, a tort, bon nombre d'oeuvres realisees "dans le systeme",
ou quasi, et que leur audace ou leur rayonnement situent cependant de plein droit
dans la sphere etincelante du cinema "experimental".  Si l'on songe d'ailleurs
aux films militants ou - qu'on pardonne le rapprochement - aux films                
pronographiques, on conviendra que la marginalite ouganisee ni meme la clandestinite
ne sont des criteres suffisants.  Il y faut adjoindre un second critere proprement
esthetique.
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       de QU'EST-CE QUE LE CINEMA EXPERIMENTAL? SA SITUATUION EN FRANCE
                           par Dominique Noguez
           	     dans UNE HISTOIRE DE CINEMA, Musee national d'art moderne, 1976